Placements: pas si simples, les frais de gestion
«Dans un compte non enregistré, les frais de gestion d’un FNB sont-ils déductibles d’impôt?» — Jean-Yves
Si ce n’est pas LA question à (insérez votre taux marginal d’imposition ici) dollars, je ne sais pas laquelle le serait. Les épargnants qui ne baignent pas quotidiennement dans le monde de la finance ne savent pas toujours si le ratio des frais de gestion (RFG) qu’ils payent est déductible d’impôt ou non.
La confusion vient sans doute du fait que dans plusieurs fonds communs de placement et fonds négociés en Bourse (FNB), le RFG n’est pas clairement séparé. On y voit seulement le revenu net, une fois les frais de gestion déduits. La mention du RFG se trouve plutôt dans le prospectus que le planificateur financier remet à son client lors de l’achat des premières parts du fonds.
Non déductibles
Dans le cas de Jean-Yves, la réponse est assez claire, note Sylvain De Champlain, planificateur financier et président de De Champlain Service Financier.
« En fait, non, résume-t-il. À la base, le RFG, c’est-à-dire les frais que la société va garder pour assurer la gestion du FNB, n’est pas déductible. »
De plus, si les gestionnaires du FNB effectuaient des changements dans son portefeuille, qu’ils vendaient ou achetaient des titres, il y aurait des frais de transaction qui ne sont pas non plus déductibles parce que ce ne sont pas des honoraires de gestion.
« Quand on parle de frais internes ou de RFG en interne, ce n’est pas déductible, explique Sylvain De Champlain. Par exemple, si on a investi 1000 $, puis qu’on a vendu et racheté une autre chose et qu’il y a 15 $ de frais de transaction, ces frais viendraient baisser l’investissement de base de 1000 $ à 985 $. Mais il n’y a pas de déduction d’impôt. »
Déduction « à la source »
Ce qui ne veut pas dire que Jean-Yves ne profite pas d’une déduction quelconque, même si elle n’est pas inscrite dans sa déclaration de revenus.
Revenu Québec indique sur son site web que vous ne pouvez pas déduire le RFG associé à vos fonds communs de placement, « car ils réduisent directement le rendement net de ceux-ci ».
« Le RFG est déjà déduit, fait remarquer Caroline Marion, planificatrice financière, notaire et fiscaliste au Mouvement Desjardins. Si mon rendement brut est de 100 $ et que j’ai 1 % de frais de gestion, dans le fond, je reçois 99 $ et c’est ce montant qui va être inscrit sur mon feuillet fiscal. »
Pas de double déduction
Avec les nouvelles exigences réglementaires en matière d’informations aux investisseurs, attention de ne pas commettre l’erreur de vouloir déduire vos frais de gestion en double.
« Nos relevés de portefeuille nous fournissent l’information qui n’était pas là avant, relate Caroline Marion. Ils nous indiquent ce que sont les frais de gestion que vous avez payés dans l’année sur votre portefeuille. »
« Si c’est un frais qui est inclus dans mon rendement, c’est un frais qui n’est pas déductible en surplus dans ma déclaration de revenus parce que je le déduirais deux fois, rappelle-t-elle. Je ne pense pas que c’est ce que veut dire la question de Jean-Yves, mais mieux vaut le préciser, au cas où. »
C’est important à savoir, surtout si vous remplissez votre déclaration de revenus vous-même. Votre comptable ou votre fiscaliste devrait pouvoir y voir clair assez rapidement en jetant un coup d’œil à vos relevés fiscaux.
Frais déductibles
Il existe toutefois des frais qui sont déductibles d’impôt : les honoraires ou frais de gestion des portefeuilles.
Ce sont des frais qui sont associés à un service que votre gestionnaire de patrimoine ou votre conseiller en valeurs mobilières vous rend.
« J’ai un courtier qui peut soit me facturer à honoraires fixes, donc chaque fois qu’il achète ou qu’il vend un titre, ou à forfait, explique Caroline Marion. Une fois par mois, il passe des frais de gestion dans mon compte parce qu’il a choisi mes titres, parce qu’il m’aide à les gérer, parce qu’il m’avise quand c’est le temps de vendre quelque chose. »
À ce moment, vous devriez avoir des lignes réservées dans votre relevé de compte. Vous verrez vos revenus qui sont générés par les placements de votre compte, puis vous aurez une ligne qui va s’appeler « frais de gestion de portefeuille » ou « honoraires de gestion de portefeuille ». Avec TPS et TVQ, parce que c’est taxable, bien sûr.
Vous ne pourrez pas déduire plus d’honoraires que le montant de votre revenu de placements pour l’année au provincial, souligne toutefois Caroline Marion. Il sera par contre possible de le reporter trois ans en arrière, ou encore dans une année future, ajoute-t-elle.
Au fédéral, c’est possible de dépasser vos revenus, mais la planificatrice financière, notaire et fiscaliste au Mouvement Desjardins ne le suggère pas.
« Ça fait grossir un compte fictif qu’on appelle pertes nettes cumulatives sur placement, explique-t-elle. Ça peut m’empêcher d’avoir accès à certaines exonérations de gains en capital et à certains reports de pertes. Ça peut avoir un effet négatif sur d’autres bonbons fiscaux que je voudrais aller chercher dans le futur. »
Faites aussi attention quand vous utiliserez les déductions pour honoraires. Revenu Québec n’accepte pas la création de pertes de placements avec des frais de placements, prévient-elle.
Comptes enregistrés et comptes ouverts
Comme la fiscalité n’est jamais simple, vous devrez également éviter de rouler dans un autre « nid d’autruche » qui vous coûtera une jante et un pneu : celui des comptes enregistrés.
« La déduction des honoraires ou frais de gestion s’effectue uniquement dans des comptes ouverts non enregistrés, mentionne Sylvain De Champlain. REER, CELI, CELIAPP, REEE, ça ne fonctionne pas du tout parce que ce sont déjà des comptes où vous êtes à l’abri de l’impôt. On parle seulement des comptes ouverts, des comptes de gestion d’entreprise ou des comptes d’affaires au niveau des entreprises. »
Pourquoi ? Encore une fois, le gouvernement veut éviter que les contribuables pigent deux fois dans le plat de bonbons.
« Si je suis dans un portefeuille enregistré, mon rendement n’est pas imposable », explique simplement Caroline Marion.
Déduction contre crédit d’impôt
En terminant, une petite remarque très intéressante de la part de la planificatrice financière, notaire et fiscaliste au Mouvement Desjardins.
Elle remarque qu’une déduction est plus payante pour les plus riches que pour les plus pauvres. Le crédit d’impôt, lui, a la même valeur monétaire pour tout le monde.
« Si je viens réduire mon revenu imposable avec une déduction, si je suis imposé à un taux marginal de 49 %, c’est 49 ¢ que je viens de sauver sur 1 $ de déduction que je peux prendre, calcule-t-elle. Alors que si mon taux d’imposition marginal, c’est 32 %, c’est juste 32 ¢ que je viens de sauver sur mon 1 $ déduit. Plus je gagne d’argent, plus une déduction est payante pour l’impôt. »