Retraite : comment payer moins d’impôts en couple. Un outil méconnu peut vous permettre d’économiser des milliers de dollars chaque année à la retraite.
Petit quiz: quel véhicule d’épargne existe depuis plus de 50 ans et permet aux couples qui l’utilisent stratégiquement d’épargner annuellement des milliers de dollars d’impôts une fois à la retraite ? Réponse: le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) de conjoint.
Parution : 1 août 2025, L’Actualité, Karl Rettino-Parazelli
Photo : HuiLiu / Getty Images
« Souvent, les gens me disent qu’ils n’en ont jamais entendu parler », affirme Sylvain De Champlain, planificateur financier et président de De Champlain Groupe financier. Il se fait alors un plaisir d’expliquer à ses clients de quoi il s’agit.
Le REER de conjoint est un compte distinct du REER personnel de chacun des conjoints ou époux. Il est habituellement créé au nom du conjoint qui a le revenu le plus faible, mais c’est l’autre qui y contribue. Il permet aux couples mariés ou aux conjoints de fait d’épargner de façon optimale pendant la vie active afin de payer moins d’impôts à la retraite.
Cet outil peut être particulièrement avantageux quand un des partenaires a des revenus supérieurs à ceux de l’autre ou encore lorsque les deux ont des revenus similaires, mais qu’un d’eux a peu cotisé à son REER, explique Sylvain De Champlain.
Comment payer moins d’impôts
Le gros avantage du REER de conjoint, c’est qu’il permet de faire ce qu’on appelle du fractionnement de revenu. Autrement dit, répartir les revenus entre les deux membres du couple lorsque l’heure de la retraite a sonné, afin de payer moins d’impôts au total.
Imaginons que vous êtes à la retraite et que votre conjoint et vous souhaitez retirer 70 000 $ par année au total pour subvenir à vos besoins.
Scénario 1 : vous avez rempli votre REER personnel chaque année pendant votre vie active et votre conjoint n’a presque rien mis dans le sien. Vous devez donc retirer les 70 000 $ de votre épargne personnelle. Résultat : vous devez payer près de 15 600 $ d’impôts et de charges sociales (avant crédits d’impôt, sauf le montant personnel de base), selon la simulation fournie par Marie-Pier Drolet, conseillère en gestion de patrimoine à la Financière des professionnels (FDP).
Scénario 2 : vous avez rempli votre REER personnel toute votre vie, mais vous avez aussi cotisé au REER de votre conjoint, de sorte que vos comptes respectifs sont aussi bien garnis. En sortant 35 000 $ chacun, votre conjoint et vous devez payer autour de 4 800 $ d’impôts et de charges sociales, donc 9 600 $ au total, parce que les revenus déclarés sont dans une fourchette d’imposition moins élevée. On parle d’une économie d’environ 6 000 $ !
« Fiscalement parlant, c’est mieux d’avoir deux revenus égaux, plutôt qu’un gros et un petit revenu. Avec un seul gros revenu, on peut aussi perdre des crédits d’impôt et la pension de la Sécurité de la vieillesse », ajoute Sylvain De Champlain.
Comment ça fonctionne
Disons que vous ouvrez un compte au nom de votre conjoint. Vous êtes le « cotisant » : vos cotisations au REER de conjoint réduisent votre revenu imposable, comme dans le cas d’un REER classique. Ce n’est cependant pas un bar ouvert. Le montant de vos cotisations annuelles (qu’elles aillent dans votre REER personnel ou dans le REER de conjoint) ne doit pas dépasser votre maximum admissible. Par exemple, si vous avez des droits de cotisation REER inutilisés de 10 000 $ pour l’année en cours, vous pourriez décider de verser 5 000 $ dans votre REER personnel et 5 000 $ dans le REER de conjoint, mais pas plus.
Votre conjoint, lui, est désigné comme le « rentier » : l’argent du compte lui appartient et il est responsable des décisions de placement. Et puisque c’est vous qui cotisez, cela ne touche pas à ses droits REER.
Avantage notable : il est possible de cotiser au REER de votre conjoint même si vous avez plus de 71 ans (l’âge maximal pour cotiser à un REER personnel), fait remarquer Marie-Pier Drolet, de la FDP. « L’important, c’est que le REER de conjoint soit au nom d’une personne qui a 71 ans ou moins et que le cotisant ait encore de l’espace dans ses droits REER », explique-t-elle.
Prévoyez le pire
Hélas, l’amour ne dure pas toujours. Avant de verser des milliers de dollars dans un REER de conjoint, vous devez donc tenir compte de ce qu’il adviendra de cet argent en cas de séparation.
« Il faut être conscient que lorsqu’une personne cotise à un REER de conjoint, c’est en quelque sorte un don. C’est l’autre personne qui est propriétaire du placement », souligne Marie-Pier Drolet.
Si vous êtes mariés, les REER entrent dans le partage du patrimoine familial, ce qui signifie que le contenu de tous les comptes REER (personnels et de conjoint) sera séparé moitié-moitié en cas de divorce.
Mais si vous êtes conjoints de fait et que vos chemins se séparent, c’est une autre histoire. Par défaut, le REER de conjoint demeurera la propriété du conjoint rentier. Si vous souhaitez prévoir des modalités différentes, Marie-Pier Drolet conseille de les inscrire dans un contrat de vie commune.
Cela dit, en cas de décès, le REER de conjoint peut être transféré au conjoint survivant (à l’abri de l’impôt) si celui-ci est désigné comme bénéficiaire, comme dans le cas d’un REER classique, ajoute-t-elle.
Dernier point à considérer : le décaissement. Chacune de vos cotisations au REER de votre conjoint doit rester dans le compte pour le reste de l’année en cours et pendant les deux suivantes, sans quoi l’argent retiré sera ajouté à votre revenu imposable (et non à celui de votre conjoint, comme c’est habituellement le cas).
Par exemple, si vous avez versé 4 000 $ dans le REER de conjoint en 2024 et que votre conjoint retire cette somme en 2024, 2025 ou 2026, elle sera ajoutée à votre revenu imposable. Alors que s’il effectue le même retrait en 2027, la somme sera ajoutée à son propre revenu imposable. « Il faut bien prévoir les décaissements », signale Marie-Pier Drolet.
En prenant les précautions nécessaires, vous pourrez retirer le maximum de cet outil. Un voyage en Toscane payé par des économies d’impôts, ça se prend bien.