Succession: Les clés d’une transmission réussie

Succession: Les clés d’une transmission réussie

Au décès, notre patrimoine sera distribué et souvent, de l’impôt devra être payé. Mieux vaut avoir un plan pour que tout se passe bien et protéger les êtres chers.



Malgré la pandémie et les démarches de sensibilisation du public, plus de 50 % des Canadiennes et Canadiens n’ont pas de testament, révèle un récent sondage Ipsos pour le compte de RBC Trust Royal. Ce chiffre grimpe à 66 % chez les 35 à 54 ans.

« On pense qu’à notre décès, tout ira à notre conjoint et que ce dernier décidera ensuite pour les enfants. En l’absence de testament, c’est plutôt le Code civil du Québec qui choisit le rang que prendront nos héritiers », rappelle le planificateur financier Sylvain De Champlain. Par exemple, si on est marié ou uni civilement, la part du patrimoine du défunt transmise au conjoint survivant sera d’un tiers et les deux tiers restants iront aux enfants, après le partage du patrimoine familial et de la société d’acquêts s’il y a lieu.

Par ailleurs, le Québec ne reconnaît pas les conjoints de fait comme des héritiers légaux… même si on a fait vie commune avec notre conjoint pendant 30 ou 40 ans! Pour éviter des situations fâcheuses et, surtout, nous assurer que nos biens soient distribués comme on le souhaite, mieux vaut rédiger un testament, qu’il soit notarié, olographe ou fait devant témoins.

Régler ses comptes avec le fisc

La loi est la même pour tous: au décès, le défunt doit payer de l’impôt sur tous ses biens. Comprenons-nous, rien n’est vendu, ni la maison, ni le chalet, ni les REER/FERR, CELI et placements, mais pour le fisc, on doit « simuler » la vente de tous ces biens et payer de l’impôt sur la plus-value accumulée de ces actifs. C’est ce qu’on appelle dans le jargon fiscal : la disposition présumée au décès. « Ce montant d’impôt qu’on établit en dressant un bilan successoral peut surprendre. C’est pourquoi on calcule quel sera l’impact fiscal de la vente présumée de nos actifs en plus d’établir des stratégies pour le minimiser », explique Sylvain De Champlain.

La meilleure stratégie pour éviter le paiement de cet impôt sera de transférer les biens à notre conjoint ou directement en fiducie (voir explications plus loin). En effet, si le legs est fait aux enfants, la succession devra payer l’impôt sur le gain en capital, et ce, au taux progressif du défunt. « Peu importe qui hérite, c’est le défunt qui est imposé à son taux progressif. En tenant compte de l’ensemble des biens, on atteint bien vite le taux maximum de 53,3 %. La succession se partage ensuite le montant net d’impôt », explique la notaire, Danielle Beausoleil.

Une stratégie d’assurance-vie

Aussi, au décès du deuxième conjoint, la facture fiscale pourrait être salée pour les héritiers puisque du gain en capital important pourrait être déclaré. « Une stratégie d’assurance pourrait alors être envisagée », remarque Sylvain De Champlain. En effet, le montant versé par l’assurance sera libre d’impôt.

Prenons l’exemple de Suzanne, qui souhaite léguer un duplex entièrement loué à ses enfants. L’immeuble à revenus d’une valeur de 550 000 $ a été payé 150 000 $ il y a 40 ans. C’est un bel héritage à laisser à ses enfants même si on devra déclarer un gain en capital de 400 000 $ (550 000 $ – 150 000 $). Bien sûr, seule la moitié de ce montant de 400 000 $ sera imposable, mais la facture fiscale sera tout de même de près de 100 000 $. Si les héritiers n’ont pas les liquidités pour payer cette somme, ils pourraient être obligés d’hypothéquer le duplex ou encore, de le vendre au rabais. Pour parer à toute éventualité, on pourrait souscrire une assurance-vie dont le capital équivaut à l’impôt à payer au décès. Certes, il faudra payer la prime, mais on peut alors en discuter avec nos enfants et diviser la facture ou trouver une formule qui convienne à tous.

L’utilité de la fiducie testamentaire

De nos jours, il n’est pas rare d’avoir accumulé à la retraite des biens totalisant quelques centaines de milliers de dollars, voire un million de dollars. Pensons à une propriété qui a pris beaucoup de valeur au fil des décennies à laquelle s’ajoutent des REER, un CELI et parfois de l’argent non enregistré ou encore une assurance-vie. « Si on a des héritiers fragiles ou ayant des problèmes de consommation ou de jeu, on pourrait vouloir les protéger contre eux-mêmes et leur entourage en créant une fiducie testamentaire », souligne Sylvain De Champlain. Celle-ci permet d’exprimer de notre vivant nos volontés concernant la gestion et l’utilisation des montants légués. « On nomme une tierce personne de confiance et neutre pour agir comme fiduciaire, et celle-ci va distribuer les actifs conformément aux instructions laissées par le défunt », précise Me Danielle Beausoleil.

Une fiducie testamentaire permet également d’assurer une sécurité à un conjoint d’une deuxième union qui n’est pas le père ou la mère de nos enfants. On pourra alors lui transférer nos actifs (ou une partie) en fiducie et ainsi veiller à ce qu’il ne manque de rien et puisse demeurer dans la maison après notre décès, par exemple. «Cela permet aussi d’exercer un certain contrôle afin que les biens laissés dans la fiducie ne puissent jamais être transmis à un nouveau conjoint ou aux enfants de cette personne, explique Me Beausoleil. On retarde alors la remise des biens pour les héritiers. On peut en discuter avec nos enfants et leur expliquer les raisons d’une telle décision.» Notons que les REER/FERR ne peuvent pas être transférés en fiducie.

Dans le cas d’héritiers vulnérables (pensons à une personne handicapée), la création d’une fiducie peut devenir très complexe. On veut s’assurer que celle-ci ne perde pas ses crédits d’impôt (comme le crédit d’impôt pour personne handicapée). Par exemple, si l’héritier possède un régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI), un legs provenant d’un REER ou d’un FERR pourrait être transféré en franchise d’impôt ou, comme on dit, « roulé » dans le REEI. « Cela nécessite du doigté et des connaissances. On veut consulter un expert qui est à l’affût des nouveautés. Les stratégies seront différentes selon le patrimoine accumulé », remarque Danielle Beausoleil. Il en coûte généralement entre 2 500 $ et 3 000 $ pour un particulier qui veut faire rédiger un tel document notarié.

Par ailleurs, la fiducie testamentaire familiale est parfois utilisée par des grands-parents dans le but de permettre à leurs enfants de fractionner du revenu avec leurs propres enfants. « Il faut que ce patrimoine génère suffisamment de revenus d’intérêt imposables afin de justifier une clause « gicleur » », précise Danielle Beausoleil. Cela permet de réduire l’impôt qui aurait autrement été payé par la fiducie en répartissant le revenu entre l’enfant et ses propres enfants, même mineurs.

Un don testamentaire, pourquoi pas?

Faire un legs à un organisme de bienfaisance qui nous est cher n’est pas aussi contraignant que certains le croient. Le legs testamentaire est le type de don planifié le plus connu et utilisé. «Il permet de faire bénéficier la succession d’avantages fiscaux parfois considérables», remarque Carole Mercier, directrice, dons majeurs individus et planifiés à la Fondation Les Petits Frères. Cette dernière recommande de consulter un notaire pour la rédaction du testament et un expert financier afin de bien planifier le don, ce qui nous permettra de choisir un libellé qui correspond à nos désirs et à notre situation.

Par exemple, un don par testament de titres cotés en Bourse dont le gain en capital latent est important (compte non enregistré) sera plus avantageux qu’un don en argent suivant la vente de ces titres. Le montant du don sera égal à la valeur brute des titres transférés. Selon le type d’actif légué, l’impact fiscal sera différent. Pensons à un placement, à du comptant ou au produit d’une assurance. On peut également désigner un organisme de bienfaisance à titre de bénéficiaire de notre REER ou de notre FERR. Cela peut réduire ou peut-être même annuler les impôts à payer suivant notre décès.

Planification successorale : 5 étapes à retenir. Avec l’aide d’un expert financier et d’un notaire :

1 – Rédigez un testament afin de choisir vos liquidateurs et les modalités de remise du capital à vos héritiers.

2 – Dressez un bilan successoral en vue de déterminer la valeur nette de vos avoirs.

3 – Définissez une stratégie pour minimiser l’impact fiscal au décès (assurance-vie, fiducie testamentaire, don planifié).

4 – Envisagez la création d’une fiducie testamentaire si vous êtes une famille recomposée et qu’il vous importe de sécuriser votre conjoint tout en ayant le souci d’être équitable avec vos enfants ou si l’un de vos héritiers est vulnérable ou handicapé.

5 – Revoyez votre plan tous les 5 ans ou lors d’un évènement important (divorce, décès, maladie …).