Gestion de patrimoine | Attention aux angles morts
La gestion de patrimoine ne se limite pas aux placements. De la préparation de la retraite à la protection de sa famille en passant par la fiscalité, une panoplie de sujets entrent en ligne de compte. Voici quelques éléments qui sont souvent oubliés ou négligés, selon les experts.
Parution : 19 novembre 2023, La Presse, Emilie Laperrière
Photo Charles William Pelletier, collaboration spéciale
Bien choisir son conseiller
Il en va de son conseiller en gestion de patrimoine comme de son dentiste ou de son coiffeur : on ne prend pas le premier venu. La relation de confiance s’avère primordiale. « Il faut trouver son fit, quelqu’un à qui on est prêt à se confier », estime Carl Thibeault, vice-président principal Québec et Atlantique chez IG Gestion de patrimoine.
Le professionnel suggère de ne pas hésiter à en rencontrer un deuxième, voire un troisième, avant d’arrêter son choix. Poser des questions est aussi utile. Par exemple, on peut demander quels sont ses frais de gestion, son expérience, sa démarche ou la fréquence des rencontres.
Avec son chapeau de conseiller indépendant fermement enfoncé sur la tête, Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe Financier, remarque qu’il y a un taux de roulement « énorme » dans les institutions financières.
« L’investisseur doit s’adapter à un nouveau conseiller chaque année, alors même que la gestion de patrimoine évolue dans le temps », dit-il. Il y a notamment des décisions à prendre selon les aléas de la vie.
Définir ses besoins
Les deux experts s’entendent pour dire qu’on saute fréquemment des étapes pour arriver au choix des produits financiers. « Trop souvent, les produits prédominent au détriment de l’écoute des besoins du client, déplore Sylvain De Champlain. On se limite au profil d’investisseur. Pourtant, les produits sont l’outil pour atteindre les objectifs. »
Celui-ci souligne qu’il faut se familiariser avec les buts et les rêves du client, et éliminer ses préoccupations avant toute chose. « Il y a tellement de produits offerts aujourd’hui, c’est difficile pour un investisseur de s’y retrouver. On sait seulement deux ou trois ans plus tard si on a fait le bon choix. »
Contrairement aux conseillers d’une institution financière, l’indépendant a accès à pratiquement tout ce qui existe sur le marché. Il n’est pas limité à ce que son employeur propose. « C’est un atout », croit Sylvain De Champlain.
Plus le conseiller connaît son client, plus il sera en mesure de le guider correctement. D’où l’avantage de bâtir une relation à long terme.
S’informer sur les frais
Les honoraires de gestion varient d’une banque à l’autre. « Ça peut aussi changer selon les actifs ou le type d’investissements détenu, précise Carl Thibeault. Il peut également y avoir des frais à l’intérieur d’un produit ou des honoraires pour le service offert. Il faut vérifier comment ça fonctionne, ce qui est inclus et ce que ça comporte. »
Sylvain De Champlain ajoute qu’on parle trop peu souvent du rendement net.
Les frais peuvent parfois sembler élevés pour un fonds, mais si le gestionnaire génère de 3 à 4 % de plus que la moyenne par année, on en sort gagnant.
Sylvain De Champlain, président de De Champlain Groupe Financier
Celui-ci compare d’ailleurs cette situation au hockey. « Sidney Crosby coûte plus cher de salaire, mais il va générer plus de buts que tout le monde. Ça a une valeur », illustre-t-il.
Porter attention au volet fiscal
La fiscalité représente très certainement un angle mort de la gestion de patrimoine, selon les deux intervenants.
« On a une des fiscalités les plus complexes au monde au Québec, soutient Carl Thibeault. On risque de perdre une portion significative du rendement si on n’en tient pas compte. »
L’expert rappelle que l’aspect fiscal peut faire pencher la balance vers une stratégie plutôt qu’une autre, que ce soit un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP).
« On parle de milliers de dollars qui peuvent être économisés par année en prenant les bonnes décisions concernant l’aspect fiscal », renchérit Sylvain De Champlain. Il se désole notamment de voir des comptes d’épargne libres d’impôt (CELI) investis dans un certificat de placement garanti (CPG) à 1,5 % d’intérêt.
« C’est une aberration. L’avantage du CELI, c’est de ne pas être imposé quand l’argent est là et le jour où on le retire. En comparaison, le profil croissance avait des rendements de 12 % au dernier trimestre. »
Ne pas oublier l’assurance vie ou le testament
La gestion des placements n’est qu’une portion de la gestion de patrimoine, comme le souligne Carl Thibeault. « Il faut penser aux autres éléments, comme la succession ou les assurances. » L’analyse des besoins, encore une fois, est ici essentielle.
Les conjoints de fait, nombreux au Québec, ne sont pas protégés s’il n’y a pas de testament en place, rappelle pour sa part Sylvain De Champlain.
« Le réseau d’experts est un autre élément à considérer, pense-t-il. Le conseiller choisi est-il capable de recommander son client à un notaire ou à un fiscaliste ? Il ne doit pas seulement lui suggérer de mettre 5000 $ dans un REER, il doit pouvoir le guider vers d’autres spécialistes en cas de besoin. »